Que veut-on dire par "jeunes" ou "jeunesse"? Parle-t-on des adolescents? Quelle différence y a-t-il entre un jeune et un adolescent?
Dans notre groupe de discussion, on a dit que l'adolescence était un âge de la vie, alors que la jeunesse, elle, était un état d'esprit. Mais si cela est le cas, peut-on être jeune à 80 ans? Où s'arrête-t-on?
Olivier Galland nous dit qu'adolescence et enfance sont très proches, parce qu'elles restent sous le contrôle de la famille et de l'école. Selon Galland, la différence entre les deux serait "plus un ensemble de goûts et de pratiques, liés surtout à la socialité du groupe des pairs." [Cité par Valérie Marange, Les Jeunes, Le Monde Editions, 1995. p.20).
Il va sans dire que ces goûts et pratiques sont liés à l'âge, un enfant de 10 ans n'ayant pas les mêmes intérêts qu'un adolescent de 14 ans.
Galland nous fait remarquer que dans le modèle traditionnel ( le modèle avant 1968?), les transitions s'enchaînent. Un jeune finira ses études, trouvera un travail, se mariera et partira de chez ses parents. Dans ce modèle, rien ne sépare vraiment l'adolescence de la jeunesse. Le passage à l'âge adulte (indépendance) est rapide.
Le modèle traditionnel a été remis en cause par:
1. la prolongation des études secondaires (l'entrée dans la vie ctive pour un garçon à 18 ans était de 81% en 1954 et de 27% en 1987).
2. le recul de l'âge du mariage et du départ du domicile des parents.
Galland nous dit qu'un phénomène de double déconnexion des seuils de passage existe aujourd'hui.
Il y a déconnexion entre les seuils scolaires-professionnels et les seuils familiaux-matrimoniaux.
Ainsi, chez les garçons, il existe maintenant plus de 4 ans entre l'âge médian de la fin des études et celui du départ du domicile parental. Il existe aussi 4 ans entre l'accès à l'emploi et l'âge de formation d'un couple.
Il y a aussi déconnexion entre les seuils de sortie de l'adolescence et d'entrée à l'âge adulte. Il existe 4 ans entre la fin des études et l'accès à un emploi stable et deux ans et demi entre le départ de chez les parents et la formation d'un couple.
De cette manière, la jeunesse se définit par une sorte d'indétermination, vécue différemment selon les différentes classes sociales.
Galland remarque que dans les milieux ouvriers et ruraux, la stabilité économique (l'emploi stable) est déterminante au départ du domicile parental Cependant, dans les classes moyennes et supérieures, la formation du couple est reculée de plusieurs années, même si toutes les autres conditions (emploi, habite seul) sont remplies.
Il semblerait donc que pour beaucoup de jeunes, la carrière professionnelle précède et diffère la création du couple et de la famille.
Bien que des raisons socio-économiques motivent les prolongations et passages aux différents seuils, elles ne les expiquent pas totalement, tout du moins pour ceux qui appartiennent aux classes moyennes et aisées.
L'indétermination qui caractérise la jeunesse correspond à une recherche d'identité, devenue obligatoire dans un monde qui n'est plus basé sur l'identité ( transmission d'un savoir et statut du père au fils par exemple) mais sur l'exploration.
Cette exploration peut se faire d'autant plus longue que les parents d'aujourd'hui (enfants de mai 68 d'hier) partagent les mêmes valeurs que leurs enfants et leur laissent autonomie et indépendance, tout en pourvoyant à leurs besoins.
De fait, la jeunesse, période transitoire entre l'adolescence et l'âge adulte, est une invention récente qui s'est progressivement élaborée dans les années 60.
